mercredi, mai 30, 2007

Belorado--> Agés

La nuit à Belorado fut la plus réparatrice de toutes celles que nous avons passées jusqu'à présent. Enroulé dans d'épaisses couvertures lourdes, j'ai le sommeil lourd.

Dans les Montes de Oca, que nous traversons aujourd'hui, semble régner un microclimat. Brutalement la forêt s'est substituée aux champs de blé. Après les dernières étapes monotones, Le paysage retrouve un peu de sa superbe. Pendant douze kilomètres nous montons une colline sans rencontrer âme qui vive, rien que des chèvres qui paissent en troupeau le long du chemin. Le soir, un couvent à la sortie de la forêt nous semble un bon endroit pour dormir, en posant nos sac nous découvrons que l'abbaye sent terriblement le vieux. Des grabataires sont alités, geignent en se plaignant de leur douleurs musculaire, comme dans un hopital de campagne. La perspective de dormir ici ne me semble plus tellement réjouissante



Pour ne pas rester dans cet hôpital, je m'éloigne un peu pour procéder à ma traditionnelle sieste dans les hautes herbes. Je prépare une sorte de nid d'où l'on ne m'aperçoit pas. Sans témoin, je m'assois et me tiens immobile pendant un long moment, incapable de mobiliser aucun neurone, je fais le lézard, animal à sang froid, je m'endors sous le soleil, ma peau se tanne, mon sang se réchauffe. Malgré les risques de coup de soleil, je reste pétrifié, aucune idée ne parvient à se former. Une fuite au cerveau m'empêche de former des pensée, ce n'est qu'un succession d'image : une couleuvre passe proche de moi, un lièvre fait un bond immense au dessus des blés, un charançon se balance au bout d'un brin d'herbe. Les mouvements sont devenus impossible comme si mes os s'étaient soudés.

Le froid et l'humidité apparent du dortoir nous dissuadent finalement de rester dans le couvent. Nous décidons de pousser jusqu'au village suivant avec l'espoir d'une auberge un peu plus chaleureuse et accueillante.

A l'accueil du couvent, nous demandons à la bonne sœur de nous retourner notre don, ce qu'elle fait de mauvais gré. Elle nous lance, indignée : « Dans un autre endroit, on ne vous l'aurait pas rendu !» Nous récupérons notre pognon et décampons.

Logiquement, la nonne est vexée qu'on ne croit plus en son Dieu. Son église est à l'agonie. Même en étant indulgent on ne peut plus considérer le christianisme que comme une ombre, une résurgence. En Europe, il n'y a guère que les anciens communistes pour s'exalter devant le pape. L'église qui devait régner pour les siècles des siècles trouve la plaisanterie amère, les apôtres ont été un tantinet optimiste en supposant ceci. Ce n'est que justice : Retour aux sources.

En effet, si j'exclus les vieux --- qui n'ont que peu d'avenir --- bien peu de pèlerins avancent pour des raisons religieuses. Ceux qui demandent l'hospitalité dans les monastères le font essentiellement pour avoir le privilège de la saveur de authentique du Chemin de Saint-Jacques™ et ainsi avoir des arguments pour dire à leurs amis qu'ils ne sont pas des touristes ordinaires.

L'empire du Christ est un peu déliquescent, il fait maintenant pitié. Cependant, on ne devrait pas s'attrister devant cette église, d'une part le Christ lui même affirmait "heureux les indigents et, d'autre part, l'église a tellement menti et tellement usurpé qu'elle n'a que la monnaie de sa pièce. Elle de se remettra probablement pas d'avoir battu sa coulpe totalitaire. Elle a perdu la guerre à partir du moment où elle a commencé à ne plus promettre l'enfer à ceux qui ne lui donnaient pas d'argent.

Inflexible et dogmatique, le christianisme rejette le Darwinnisme et ne croit pas aux vertus de l'explication et l'église en reste à la bonne vieille rengaine du bien et du mal, à l'enfer pour les méchant et au paradis pour les gentils. Elle vivote sur la théologie du « créateur » sanctifiant l'anthropocentrisme. À l'heure de l'écologie, il est bien normal de voir décliner cette école sans ambition cosmologique. Jamais le pape ne dira rien de la place de l'homme dans l'univers, c'est hors sa compétence. J'ai perdu toute indulgence depuis peu. L'église a les moyens de sa réforme, elle refuse d'ouvrir son discours et de dépasser le sectarisme de ses derniers fidèles pour ne pas perdre ce qui lui reste de pouvoir. Et j'avoue ces babioles pour lesquelles elle se bat encore relève maintenant du plus misérable ressort du non divin : L'instinct de survie.
De l'église, il ne reste plus que l'iconographie martyre, le sang et la violence du Christ portant la croix, les fresques sadiques de la Passion. Oublions donc, car tout cela a trouvé des substituts valables à Hollywood.



Bien sûr, il reste le message d'Amour du Christ. Aah.... l'Amour, toujours l'Amour... Mais j'objecte, Aah, l'Amour, oui ! Mais c'est un peu court ! C'est oublier qu'on tue par amour parfois et je n'ai jamais entendu un prêtre disserter des contradictions de l'amour.

Enfin, nous dormons dans l'albergue municipale d'Agés où l'ambiance est très chaleureuse et j'oublie toute théologie. Nous dormons bien.

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