mardi, mai 29, 2007

Santo Domingo de la Calzada --> Belorado

En Castilla Léon, les paysages sont routiniers, ce ne sont que des champs de blé à perte de vue. Sans endroits où laisser batifoler mon imagination, je suis sans distractions, même les conversations avec Cristina sentent l'épuisement.
Je rumine seul mes pensées, quand, tout d'un coup, une question métaphysique me reviens du fond des âges, j'ignore comment elle est remontée à la surface depuis le dédale de ma mémoire : « Faut-il manger le boudin avant où après la purée ? ». Je me posais cette question en face de mon assiette lorsque j'étais enfant. Assis à la tablée familiale, je n'arrivais pas à trancher car la question n'avait rien de simple.

Sachant que j'aimais plus la purée que le boudin, sachant également qu'il me fallait manger l'intégralité de mon assiette car ma mère me l'imposait. Je me demandais ce qui maximiserait mon plaisir. Plusieurs alternatives s'offraient à moi : fallait-il
(1) garder le goût de la purée dans la bouche en la mangeant en dernier, ou bien fallait-il
(2) avoir sa faim intacte au moment d'attaquer la purée pour la manger avec appétit, ou encore, fallait-il
(3) manger les deux en même temps pour réaliser une sorte de moindre mal (en rendant le boudin plus digeste, mais aussi en rendant la purée moins délicieuse).

Il ne s'agit que de déterminer une séquence, pourtant la portée de cette question est énorme. Suivant que l'on est Épicurien où Croyant, on décidera de qu'il faut manger en premier. Horace avait probablement eu ce genre de problème avec sa mère quand il affirmait : Carpe Diem Quam Minimum Credula Postero .(1)

Le temps est une chose très problématique pour ceux qui aiment philosopher. Notre mort est certes certaine, mais nous ne savons pas l'heure où cela se produira. D'autre part, il semble que notre bonheur passe trop vite. La course du temps ne s'arrête pas, nous traversons dans la vie comme dans un train. Et quoique l'on fasse nous sommes pied et poing lié à ce train. Finalement, on n'a qu'une seule liberté : sauter ou ne pas sauter. Et pour tout les autre latitudes, on n'a pas d'autre choix que de modifier sa perception et discipliner cette indicible angoisse des secondes qui se dérobent continuellement à ce qui nous nous reste de vie.

La véritable sagesse consiste à aimer également tous les temps, présent, passé et futur. Chacun d'entre eux possède une saveur particulière, sublimer son passé, suivre ses rêves de futur et savourer le présent. Dès lors, l'ordre des choses cesse d'avoir de l'importance, il est facile d'être heureux, pensez ! Le bagnard pensera au jour de sa libération, le vacancier se concentrera sur sa liberté et le vieil homme chérira son passé.

1. Profite de chaque jour en ne croyant rien du futur.